Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.
L’augmentation d’efficacité importante du traitement de l’hépatite C chronique, consécutive à l’arrivée d’antiviraux à action directe, permet d’envisager la perspective d’un contrôle, voire d’une éradication du virus. Mais cela passe évidemment par un taux de dépistage élevé. Afin d’optimiser le dépistage, il est primordial de déterminer quelle proportion de patients infectés ignorent leur maladie, et quelles sont les caractéristiques de ces patients.
En Europe, 30 à 40% des patients infectés par le VHC connaissent leur statut , environ 50% aux Etats-Unis , en France, 57% des personnes infectées chroniques connaissaient leur statut en population générale adulte métropolitaine en 2004. 12% des patients présentent une maladie avancée (cirrhose ou CHC) au moment du diagnostic. L’instauration d’un dépistage populationnel, en complément du dépistage ciblé, a donc été considérée, sur les modèles Nord-Américains (dépistage systématique des personnes nées entre 1945 et 1965 aux Usa, entre 1945 et 1975 au Canda, correspondant aux classes d´âge dans lesquelles l´infection est la plus prévalente). Cette étude cherchait à estimer le nombre d’adultes non diagnotiquées pour une hépatite C chronique en 2014, et leur distribution par sexe et classe d’âge, et à comparer ces estimations avec celles de 2004.
Les estimations de 2004 ont été utilisées comme base de départ. Elles avaient été obtenues par une enquête transversale de prévalence, au cours de laquelle 14 416 adultes (jusqu’à 80 ans) tirés au sort parmi les assurés du régime général de l’assurance maladie avaient acceptés de se rendre dans des centres d’examen de santé pour un entretien et des prélèvements sanguins. Les estimations pour 2014 ont été déduites de celles de 2004, par application d’un modèle épidémiologique. Ce modèle consistaient en l’utilisation de sources de données multiples cherchant à évaluer d’une part le nombre de patients entrant dans le pool des patients infectés non diagnostiqués (nouvelles infections chroniques), et d’autre part le nombre de patients sortant de pool (personnes diagnostiquées, décédées, ou dépassant 80 ans). Ce modèle repose donc sur des paramètres dont la valeur est estimée , c’est pourquoi plusieurs scenarii ont été envisagés, avec différentes valeur pour ces différents paramètres (nombre d’UDIV actif, incidence du VHC chez les UDIV, taux de guérison spontané de l’infection).
En 2014, le nombre de personnes non diagnostiquées pour une hépatite C chronique est estimé entre 64 920 et 83 283 selon le scénario (intervalle de plausibilité), avec une estimation centrale de 74 102, en diminution de 27% par rapport à 2004. Cette baisse est particulièrement marquée pour les 60-80 ans (-47%). La majorité des personnes non diagnostiquées en 2014 sont des hommes (59,1%), contrairement à 2004. Les 60-80 ans restent la classe d’âge majoritaire (41,2%) en 2014, avec un poids important des 70-80 ans, qui représentent 36,9% des personnes non diagnostiquées (figure 3c). Si les femmes de moins de 60 ans sont peu nombreuses, les hommes de 18-59 ans représentent 45,4% de la population non diagnostiquée pour une hépatite C chronique en 2014.
La baisse du nombre de patients non diagnostiqués par rapport à l’étude de 2004, estimée à -27%, était attendue, notamment du fait de la forte importance du groupe de 60-80 ans dans l’étude de 2004 , cette population avait sans doute été infectée de nombreuses années auparavant, en partie par transfusion sanguine. La conséquence principale est une modification du profil des patients non diagnostiqués : les hommes de 18 à 59 ans représentent près de la moitié d’entre eux en 2014 (vs 26.7% en 2004). Ces résultats ont contribué à l’élaboration d’une nouvelle recommandation de dépistage, présentée dans le premier rapport français sur la prise en charge des patients infectés par une hépatite B ou C, publié en 2014 (rapport Dhumeau). Cette recommandation consiste à proposer au moins une fois au cours de la vie un dépistage simultané du VHC, du VIH et du VHB aux hommes de 18-59 ans, indépendamment de la présence d’expositions à risque, en complément du dépistage ciblé. Cette stratégie de dépistage commun, basée sur les similarités des modes de transmission des trois virus et sur la prédominance des hommes parmi les populations non diagnostiquées (plus de 7O% pour le VIH en 2010 et près de 80% pour le VHB en 2004), vise une meilleure appropriation par les professionnels de santé , la recommandation de 2009 d´un dépistage générale du VIH a été peu appliquée, supposément en raison de problème de faisabilité.
Les limites de cette étude sont d´une part liée à l´utilisation des estimations de l´enquête de 2004, sujettes un biais de participation dont l´impact est difficile à évaluer. Par ailleurs, l´utilisation d´hypothèses pour « nourrir » le modèle épidémiologique conduisant aux résultats pour 2014 rend la réalité de ces résultats dépendante de celles des hypothèses utilisées. Enfin, les auteurs n´ont pas pu tenir compte des migrations, ce qui a pu mener à une sous-estimation du nombre de personnes diagnostiquées , les auteurs estiment cependant que cette estimation n´est probablement pas de très forte amplitude, puisque les personnes migrantes représentaient moins de 15% de la population non diagnostiquée et que les flux migratoires ont été peu modifiés depuis.
Pour conclure, les auteurs rappellent la nécessité d´intégrer la recommandation de « dépistage populationnel » dans une stratégie globale incluant le renforcement du dépistage ciblé et des dépistages communautaires hors les murs destinés au personnes n´ayant habituellement aucun contact avec le système de soin.
Cette étude a l´intérêt de présenter une estimation de « l´épidémie cachée » concernant le VHC, avec une description « populationnelle » par sexe et classe d´âge.
Cette estimation soulève cependant quelques questions concernant sa fiabilité. Premièrement parce qu´elle s´appuie sur une enquête de 2004, pour laquelle l´importance du biais de participation est difficile à évaluer , ce biais est probablement plus important pour les personnes migrantes, d´une part parce qu´elle ne ciblait que les patients inscrits au régime général de la sécurité sociale, d´autre part parce que les taux de participation aux différentes enquêtes est fréquemment plus faible pour cette population. Ainsi, quand les auteurs indiquent que l´absence de prise compte des migrations n´a probablement pas faussé les résultats de façon importante, en se basant sur le faible poids de la population migrante dans l´enquête de 2004, on peut craindre qu´ils ne minorent un biais de l´étude de 2014 en s´appuyant sur un biais de l´étude de 2004 sur laquelle elle est basée. Ensuite, toutes les données nouvelles apportées par ce travail sont produites par un modèle épidémiologiques, nourrit par des hypothèses que sont la fixation de valeurs pour certains paramètres (nombres d´UDI, incidence du VHC chez les UDI, etc.) , le choix des valeurs de ces paramètres, basé sur la littérature qui n´est pas toujours univoque, a donc un impact direct sur les résultats. Par exemple, les auteurs ont appliqué leur modèle en faisant varier l´incidence du VHC chez les patients UDI du simple au triple (6% à 18%) , cela explique que les estimations finales varient d´un facteur 3 pour certaines population (par exemple, pour les hommes de 18 à 39 ans, de 5205 à 16173). Au total, l’accumulation de petites incertitudes, dans la « base » de 2004 comme dans le modèle épidémiologique qui lui est appliqué, soulève la question de la fiabilité des résultats.
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