Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.
Le traitement antibiotique d'une infection à C. difficile échoue dans 15 à 26% des cas. Il n'existe pas de traitement spécifique des infections récurrentes à C. difficile et le taux de succès d'un nouveau traitement à la vancomycine n'est que de 60%, puis décroît lors des répétitions ultérieures. Le mécanisme supposé est la persistance du port de C. difficile, ou une anomalie persistante de la composition de la flore interstinale.
Les greffes fécales ont déjà fait l'objet de publications, mais on manque d'essais randomisés pour en apprécier l'efficacité.
L'essai hollandais rapporté ici est un essai ouvert, randomisé, contrôlé, comparent trois stratégies thérapeutiques chez des patients recrutés en milieu hospitalier.
Les patients inclus dans cet essai étaient des adultes, ayant une espérance de vie de trois mois au moins, et une rechute d'infection à C. difficile après un traitement adapté (plus de dix jours de vancomycine à une dose de 125 mg quatrs fois par jour, ou plus de dix jours de metronidazole, à une dose de 500 mg trois fois par jour)
L'infection à C. difficile était définie par une diarrhée et une détection positive de C. difficile dans les selles.
Etaient exclus les patients ayant eu une chimiothérapie récente, les patients porteurs du VIH ayant moins de 240 CD4 par mm3, les patients sous corticothérapie prolongée à plus de 60 mg par jour, les femmes enceintes, les patients traités par des antibiotiques autres que ceux nécessités pour C. difficile, les patients admis en USI,et les patients choqués.
Les patients étaient randomisés en trois groupes:
Les patients dont l'infection à C. difficile récidivait après une première greffe de selles bénéficiaient d'une nouvelle greffe, d'un donneur différent. Les patients chez qui le traitement antibiotique échouait bénéficiaient, hors protocole, d'une greffe de selles de donneur.
Les donneurs étaient des volontaires de moins de 65 ans, ayant subi des vérifications poussées d'absence de portage viral chronique, d'absence de parasitose ou d'infection digestive bactérienne.
les selles étaient récoltées par le donneur, transportées immédiatement au centre hospitalier, diluées dans 500 ml de sérum physiologique, et administrées via une sonde naso duodénale (50 ml toutes des deux à trois minutes)
Le critère d'évaluation principal était la guérison sans rechute 10 semaines après le début du traitement. Les patients ayant nécessité deux greffes étaient suivis dix semaines après la seconde greffe.
Le critère d'évaluation secondaire était la guérison sans rechute 5 semaines après le début du traitement.
La rechute était définie par une diarrhée avec test positif de détection de la toxine de C. difficile. Les patients tenaient un journal de leurs selles, ils étaient évalués sur leurs symptômes, l'utilisation de médicaments, et les effets indésirables à J7, J14, J21, J35 et J70. Une recherche de C. difficile était faite dans leurs selles à chaque évaluation (sauf J7), ou en cas de diarrhée. La composition et la diversité de la flore intestinale étaient analysée par analyse ADN.
43 patients ont été inclus de janvier 2008 à avril 2010 (17-13-13 respectivement pour chaque groupe). Leur âge moyen était de 69 ans, il y avait 5% de femmes. L'inclusion de 40 patients par groupe était initialement prévue, mais la rechute de la majorité des patients dans les deux groupes contrôles a conduit à l'arrêt prématuré de l'essai. 41 patients ont terminé l'essai: l'un d'eux a arrêté tout traitement en raison d'une décompensation cardiaque majeure (il est mort 13 jours après la randomisation, et a été inclus dans l'étude en intention de traiter comme un échec du traitement par la vancomycine). Un autre patient du groupe greffe de selles (qui avait bénéficié d'une greffe de rein 11 mois avant l'étude) a été exclu car il a nécessité une forte dose de prednisolone pour une insuffisance rénale sévère.
15 donneurs ont été utilisés, le délai entre l'émission des selles et la greffe était de 3.1 +/- 1.9 heures
15 (94%) des 16 patients du groupe greffe ont été guéris, dont 13 (81%) après une seule greffe. 4(31%) des treize patients du groupe vancomycine seule, et 3(23%) des 13 patients du groupe vancomycine+lavement ont été guéris.
Le rapport de taux de guérison globale était de 3.05 (IC 99.9: 1.08-290.05) par rapport à la vancomycine seule, et de 4.05 (IC 99.9: 1.21-290.12).
Le délai moyen de rechute était de 23 à 25 jours après l'initiation du traitement dans les deux groupes vancomycine)
A noter que 18 patients des groupes vancomycine qui ont eu une rechute ont bénéficié de greffe de selles, 15 d'entre eux ont été guéris, dont 11 après une seule greffe.
94% des patients ayant eu une greffe de selles ont eu une diarrhée immédiatement après la greffe. 31% ont eu des crampes et 19% des rots. Ces symptômes ont disparu chez tous les patient sdans les trois heures. 19% des patients traités par greffede selles se sont plaint de constipation au cours du suivi. Aucun autre effet secondaire du traitement de référence n'a été noté. Le décès d'un patient (par insuffisance cardiaque) dans le groupe vancomycine seule a été considéré comme sans relation avec le traitement.
La biodiversité de la flore intestinale des patients traités par greffe était faible chez 9 patients, et avait augmenté significativement deux semaines après la greffe, pour devenir indistingable de la biodiversité fécale des donnneurs.
Les auteurs soulignent que, alors que le protocole prévoyait l'inclusion de patients dès la première rechute, seuls 8 des 43 patients en étaient à leur première rechute, ce qui montre la résistance des soignants à proposer une greffe de selles. Le fait que les patients inclus étaient des multi-rechuteurs explique sans doute la très faible efficacité observée dans cette étude, de la vancomycine. Ils notent que les protocoles thérapeutiques qu'ils ont utilisé pour le groupe greffe de selles sont basés sur les études antérieures, mais qu'ils ne sont pas sûrs de l'utilité du pré-traitement par vancomycine, ni du lavement. Les doses optimales de selles à greffer n'ont pas été évaluées, pas plus que les modes d'administration (on pourrait imaginer une administration par lavement). Ils soulignent que d'autres voies thérapeutiques prometteuses doivent aussi être évaluées, notamment la fidaxomycine et l'ingestion d'anticorps anti toxine de clostridium.
La diarrhée à C. difficile est une pathologie rare, mais non exceptionnelle en médecine générale. Les généralistes n'y sont en général confrontés qu'en première intention, situation dans laquelle il est légitime d'utiliser le traitement classique par la vancomycine. La greffe de selles paraît, en cas de récidive, un traitement à la fois extrêmement efficace et bien toléré. Il restera pour l'instant du domaine du soin spécialisé, mais il est intéressant de connaître cette possibilité, et d'en suivre les développements ultérieurs.
Ce site respecte les principes de la charte HONcode.
Site certifié en partenariat avec la Haute Autorité de Santé (HAS).
Vérifiez ici.