Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.
Le risque d’AVC constitué après un AIT ou AVC mineur est important, puisqu’il est estimé à 10 à 20% dans les 3 mois suivant le 1er évènement.
Actuellement, seule l´aspirine en monothérapie a été montrée efficace en phase aigüe d’AVC. Il est en pratique utilisé en 1ere intention dans la survenue d´AIT ou contre les récidives d´AVC. Or l´association aspirine + clopidogrel, synergiques sur l’agrégation des plaquettes est déjà utilisé dans les phases aigues d´infarctus myocardique (Syndrome Coronarien Aigue avec décalage du ST), et pourrait s’avérer bénéfique en neuro-vasculaire.
Les études précédentes, toutes en rapport avec la prévention secondaire d’AVC, et AVC de type constitués ou étendus, n´ont pas montré de supériorité de cette association par rapport à l´aspirine seule. Il n´a pas été retrouvé dans la bibliographie des auteurs d´études portant sur cette association dans les AIT seuls, et ces études ont toutes inclus leur patients en phase tardive, c’est à dire à distance et souvent plusieurs jours du 1er évènement neuro-vasculaire.
Cette essai dit CHANCE (Clopidogrel in High-Risk Patients with Acute Nondisabling Cerebrovascular Events) a étudié le bénéfice par rapport au risque de l’administration de l’association aspirine/clopidogrel dans la phase aiguë de l’AIT ou l’AVC mineur.
5170 patients, sur 41561 screenés, ont été inclus dans 114 centres hospitaliers sur le territoire chinois, entre octobre 2009 et juillet 2012. Cette étude est randomisée, en double-aveugle, contrôlée via l´utilisation d´un placébo et avec une analyse à terme en intention de traiter.
Les patients sont inclus dans les 24 premières heures de la survenue soit d´un AIT défini par la clinique d’une ischémie cérébrale focale, avec résolution des symptômes en moins de 24heures et haut risque de récurrence d’accidents cérébraux (risque défini lui-même pour ce dernier par un score composite basé sur l’âge, la TA, un diabète préalable ou la durée de l’AIT) , ou soit d´un AVC d´intensité mineur et défini par un score NIHSS < 3. Les patients sont tous âgés de plus de 40ans et ont tous eu une imagerie cérébrale diagnostique avant l’inclusion (TDM ou IRM cérébral).
Sont entre autre exclus les AVC graves (NIHSS>ou= 4), hémorragiques , mais aussi une anomalie visuelle, auditive ou un vertige isolé sans lésions d’imageries, au niveau thérapeutique : une indication évidente d’anticoagulation ou alors une contre-indication connue à l’anti-agrégation comme une hémorragie majeure récente.
Le critère de jugement principal est le taux de survenue d’un nouvel AVC (ischémique ou hémorragique) à 90 jours du suivi. Les critères de jugement secondaires principaux sont : La sécurité de l’association en terme de sur-risque hémorragique et un critère composite (appelé le « critère-clé secondaire ») comprenant tout évènement vasculaire (neuro/cardiovasculaire ou décès d’origine vasculaire)
Le 1er jour (J1), les 2 groupes reçoivent tous une dose d’aspirine, dont la posologie est laissée à la « discrétion du praticien », de 75 à 300mg. Puis les patients sont randomisés en aveugle.
2586 patients reçoivent un placébo du clopidogrel pendant 3 mois et de l´aspirine à la dose de 75mg du 2eme jour (J2) à la fin du 3ème mois (J90).
2584 autres patients reçoivent du clopidogrel à la dose de 300mg le 1er jour, puis 75 mg pendant 3 mois (J90) + de l´Aspirine à la dose de 75mg de J2 à J21, puis un placébo de l’Aspirine de J21 à J90.
Un mot concernant la population. Les 2 groupes sont comparables sur les critères démographiques, cliniques et de sévérité. Entre autre, l’âge moyen du patient recruté est de 63 ans, avec 2/3 d’homme. Le temps moyen de l’évènement initial au recrutement dans l’étude était d’environ 13 heures. Les perdus de vus sont au nombre de 36 (sur 5170) avec 20 dans le groupe aspirine+clopidogrel et 16 dans l’autre bras (taux=0,7% < 10 % donc faible)
Résultat principal : Le taux de survenue d´AVC à 90 jours du suivi est de 8,2% (soit pour 212 patients) dans le groupe aspirine + clopidrogel versus 11,7% (soit 303 patients) dans le groupe aspirine+placébo.Cela correspond à une réduction significative du risque relatif de 32% (p<0,001 , Hazard Ratio 0,68 (0,57-0,81)).
Ainsi dans ce contexte l´association aspirine + clopidogrel est bénéfique par rapport à l’Aspégic seul. En effet, il réduit de plus de 30% le risque d’AVC constitué à 3 mois de la survenue d’un AIT ou d’un AVC mineur. En pratique, il faudrait traiter 29 patients pour prévenir la survenue d’1 AVC constitué.
Par ailleurs, les résultats secondaires principaux montrent un taux d´hémorragie cérébrale similaire dans les deux prises en charge thérapeutiques. En effet, le taux de ces saignements tout compris est de 2,3% (60 patients) pour aspirine/clopidogrel versus 1,6% (41 patients) pour l’autre groupe (différence non significative avec p=0,09 (HR 1,41 (0,95-2,10)). Pour l’autre résultat 2aire, dit « critère-clé secondaire, le critère combiné associant AVC, IDM, ou décès d´origine vasculaire est significativement abaissé d’un peu plus de 30% (p<0,001 Hazard Ratio 0,69 (0,58-0,82)) soit une baisse de 11,9 à 8,4% de survenue d’évènement du groupe aspirine+placébo à aspirine+clopidogrel). Par contre la mortalité toute causes confondus est similaires dans les 2 groupes.
Concernant une analyse particulière en sous-groupe, on note que les AVC ischémiques ont été significativement réduits par l’association aspirine + clopidogrel (de 11,4 à 7,9% p<0,001), alors que les AVC hémorragiques ont été identique (au nombre de 8 dans chaque bras soit 0,3% par groupe , HR 1,01 (0,38-2,70)).
- Discussion des auteurs
Ces résultats sont les premiers et actuellement les seuls significatifs et à cette ampleur dans ce contexte. Les auteurs évoquent pour tenter de les expliquer le fait que la population chinoise étudiée est particulière. En effet, d’une part elle est connue pour être à fort risque de récidive ischémique tout en ayant un risque faible hémorragique, et d’une part, elle est à fort risque d’AVC grave ou mortel.
L’autre explication tout à fait plausible de ces résultats ici significatifs est le délai, ici très précoce, d’inclusion dans l’étude…Ce qui conforte cette idée, est l’aspect des courbes crées de probabilité de « survie sans AVC » montrant une chute très précoce et majeure dans les 3-4 premiers jours, pour l’aspirine-placébo vs aspirine-clopidogrel avant la mise en place d’un quasi-parallélisme des courbes par la suite….
- Discussion et commentaires personnels
Commentaire: Tout d’abord, on peut noter une configuration et un design thérapeutique de l’étude très particulier…surprenant. Premièrement, tous les patients reçoivent le 1er jour une 1ere dose d’aspirine, en ouvert, comme le médecin va choisir en fonction d’un choix personnel la posologie (de75 à 300mg), avant la randomisation. Deuxièmement, il y a une comparaison directe entre ces 2 schémas thérapeutiques dans les 3premières semaines (de J2 à J21). Mais dès J21, dans le groupe associant aspirine/clopidrogel, l’aspirine est arrêtée avec un relais par un placébo de l’aspirine. Ainsi entre J21 et J90, sont comparée l’association Aspégic / Placébo contre Clopidrogel / Placébo. En simplifiant, ce pourrait être le bénéfice sur risque du Clopidrogel versus Aspirine seulement comparé… Cela pourrait par exemple expliquer qu’il y ait le même nombre d’hémorragie dans les deux groupes, puisque le traitement bi-antiagrégant devient alors mono-antiagrégant !
Synthèse : Malgré cela, ces résultats sont, à notre échelle, très encourageants dans cette phase à fort risque d’AVC entre autre post-AIT à haut risque de récidive, on pense alors au terrain à risque vasculaire, aux AIT répétées ou prolongés... En effet ces situations sont réellement à risque. De plus, au vu des résultats, de la puissance de l’étude avec un nombre conséquent de patients, et des critères méthodologiques robuste de cette étude, l’aspirine seule n’est probablement pas à lui seul la meilleure prise en charge thérapeutique dans ce contexte… qui reste particulier de population chinoise. Cette étude peut alors être dite princeps, toutes les précédentes n’étaient pas en faveur de cette association (résultat non significatif).
Pour conclure, cette « nouvelle »stratégie thérapeutique nécessite encore une prise de recul pour l’instant mais l’attente et l’obtention d’autres études en ce sens permettront peut-être de modifier notre prise en charge de l’AIT ou de l’AVC mineur récent…
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