Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.
Marie-Caroline RICHARD
Mai 2013
Tuteur : Pauline JEANMOUGIN
Résume d´article: La grossesse et l´alcool, Revue Prescrire
A. INTRODUCTION :
En France, l’alcool est un problème de santé public. L´usage problématique d´alcool touche environ 5 millions de personnes (dont 2 millions seraient dépendantes) dont 600 000 femmes .D´après une étude récente, chaque Français de 15 ans et plus a consommé en moyenne 13,4 litres d´alcool pur en 2003 (ce qui représente trois verres standards d´alcool par jour et par habitant).
On connait le rôle nocif de l’alcool pour la santé et particulièrement lors de la grossesse. Le syndrome d’alcoolisation fœtal ou embryofoetopathie alcoolique se traduit par une dysmorphie faciale, un retard de croissance et un retard mental. Il représente 5% des enfants exposés à une consommation maternelle d’alcool régulière d’au moins 5 verres par jour soit 50g/jour (1). Il affecte en Europe occidentale et aux USA 1 à 5 enfants pour 1000 enfants nés vivants(2).
Mais que sait-on du lien entre la période de consommation, la qualité consommée et le déroulement de la grossesse (le développement /la santé le nouveau-né exposé) ? Cette méta-analyse parue en 2011 dans la revue Prescrire (Tome 31 N°337) fait le point sur les récentes études présentant un lien entre l’alcool, la grossesse et développement des nouveau-nés exposés.
B. ANALYSE :
1) Consommation importante et rapide ou « Binge drinking »
Chez le fœtus de rat, l’expérimentation d’injection d’alcool en une fois montre des lésions neuronales supérieures à la même quantité injectée en plusieurs fois sur une semaine(3). Chez l’homme, onze études de cohorte étudiant les effets d’une consommation importante ont été réalisées aux USA, Royaume-Uni, Australie, Canada et Danemark mais aucune n’a eu un niveau de preuve suffisant de par la variabilité des quantités consommées, association à une consommation d’alcool chronique, les autres facteurs de risque comme le tabac(4). Cependant 4 études ont prouvé un lien statistiquement significatif entre la survenue d’anomalies cognitives chez des enfants de 3 à 14 ans exposés et une forte consommation d’alcool sur des critères sans lien d’une étude à l’autre(4).
Dans une étude danoise réalisée chez les mères de 80526 premiers enfants suivis jusqu’à l’âge de 8 ans, il n’est pas apparu de lien statistique entre la consommation importante ponctuelle au cours de la grossesse et la survenue de crise d’épilepsie chez les enfants(8). Cependant un épisode ou plus de consommation importante d’alcool entre la 11ème et 16ème semaine de grossesse a été associé à un risque de crises convulsives multiplié par 3,2 (IC 95% : 1,4 à 7,3 p=0 ,007) et un risque d’épilepsie multiplié par 1,8 (IC 95% :1,1 à 2,9 p=0,014) (3).
Une autre étude de cohorte a montré un risque augmenté de mortalité entre 1 mois et 1 an de vie dès 3 épisodes de consommation importante d’alcool mais sans augmentation de la mortalité néonatale(5).
2) Consommation faible :
Trois études de pertinence incertaines ont montré un lien statistiquement significatif entre la consommation minime d’alcool lors de la grossesse et des critères comportementaux et de performance. De même qu’une étude britannique chez 9086 femmes montre un lien entre ce type de consommation et des troubles du comportement et des émotions après 4 ans, 7 ans et 9 ans de suivi mais uniquement chez les filles(6). Deux études étasuniennes montre une différence significative des tests de performance (Trouble de l’attention à 3,5 ans et de score d’intelligence et de mémoire à court terme à 14ans) chez les enfants exposées à une consommation minime et régulière maternelle lors de la grossesse(6).
Paradoxalement, six autres études plus récentes n’ont pas montré de lien entre une consommation minime d’alcool et les critères de développement de l’enfant(18).
3) Le seuil de 4 verres par semaine :
La consommation a des effets néfastes autant sur le plan du développement mental de l’enfant, sur le déroulement de la grossesse et que sur la santé de l’enfant dans ses premiers mois de vie.
Une étude de suivi réalisée au Danemark pendant 6 ans chez 86 783 enfants n’a pas montré d’association entre la mortalité infantile et la consommation d’alcool après prise en compte des autres facteurs de risques. Le tabac est ressorti comme le principal facteur de risque de mort avant un an(10). Cependant le risque de mort entre un mois et un an a été statistiquement associé à une consommation d’alcool d’au moins quatre verres par semaine pendant la grossesse (RR 2,9 IC 95% 1,2 à 7,0).
Parmi huit études recherchant le risque de fausse couche et une faible alcoolisation lors de la grossesse, une seule étude cas-témoin a pu montrer un lien statistiquement significatif sans que les facteurs confondants n’aient été pris en compte(8).
Sur cinq études du risque de mort fœtale, aucune n’a prouvé le lien avec une consommation d’alcool minime. En revanche, les facteurs socio-culturels et la consommation de tabac semblent être les principaux facteurs de risque de mort fœtale(8).
Dans sept études recherchant le lien entre le retard de croissance et une faible consommation d’alcool chez 129 000 femmes, une seule étude a pu montrer un résultat significatif sans prendre en compte des facteurs confondants(8).
Sur seize publications, une seule a mis en évidence un lien significatif entre le risque d’accouchement prématuré et une faible consommation d’alcool... deux études ont eu un résultat inverse(8).
4) La prévention et les recommandations :
Cette méta-analyse nous démontre que le nombre d’épisode et le moment de cette consommation semblent être les éléments majeurs de survenue de trouble cognitif chez l’enfant exposé à l’alcool durant sa vie fœtale. En l’absence de résultats scientifiques fiables et consensus les recommandations en France et dans de nombreux autres pays est « Grossesse: Zéro alcool »(9).
Trois études sociologiques françaises ont montré que ce message été perçu différemment selon le milieu social et professionnel, le niveau d’études… de plus, l’expérience de consommation d’alcool de la mère des femmes enceintes semble plus important que ces campagnes d’information(10).
Dans un essai clinique randomisé réalisé aux USA chez des femmes ayant une consommation déclarée, considérée comme à risque, deux méthodes de prévention de la consommation d’alcool lors de la grossesse ont été étudiées : livret d’information versus interventions verbales directes par le médecin traitant à deux reprises puis deux appels téléphoniques par des infirmières. A quatre ans de suivi, la consommation hebdomadaire et de nombre d’épisode aigus a été divisé par deux dans le groupe intervention verbal directe IC 95% 1,1 à 3,5 , l’efficacité a été d’autant plus importante chez les femmes ayant eu une grossesse au cours du suivi(11,12).
D’autres essais montrent que la grossesse et le désir de grossesse sont des facteurs d’incitation de modération spontanée de la consommation d’alcool. Les risques liés à l’alcool ne sont pas assez alarmants pour justifier à eux seuls une interruption de grossesse(13).
C. CONCLUSION :
Tous les résultats de ces études sont à nuancer car ils présentent tous un faible niveau de preuve scientifique et des failles méthodologiques. Les facteurs confondants tels la consommation d’autres toxiques, médicament, le tabac, l’âge, la nutrition, le niveau social… ne sont que rarement pris en compte.
Une forte consommation d’alcool se confirme nocive pour le fœtus et l’enfant. Une vulnérabilité cérébrale fœtale aux effets de l’alcool aurait lieu durant la période critique du 2ème au 4ème mois de grossesse.
Peu d’études ont montré un lien statistiquement significatif entre une consommation minime régulière ou occasionnelle au cours d’une grossesse et la survenue de troubles cognitifs ou comportementaux.
En raison, de nombreux facteurs confondants, ces études incitent à la prévention envers l’alcool et notamment le tabac chez les femmes lors d’une grossesse ou d’un désir de grossesse. En pratique, il semble difficile d’évaluer le degré de consommation d’alcool et d’adapter de manière personnalisée, nuancée leur consommation d’alcool.
D. POUR EN SAVOIR PLUS :
1) Les questionnaires de dépistage de consommation d’alcool spécifique à la femme enceinte :
Le T-ACE est un questionnaire à 4 items (Tolerance, Annoy, Cut down, Eye opener) développé en langue anglo-saxonne spécifiquement pour la pratique obstétricale (Sokol et coll., 1989), et qui aborde de manière indirecte la consommation d´alcool puisqu´il s´enquiert de la tolérance aux effets de l´alcool, des conséquences psychologiques de la consommation et de l´avis de l’entourage concernant cette consommation.
T= Tolérance – « Combien de verre(s) vous faut-il pour ressentir les effets de l’alcool? »
A= Agacement – « Est-il arrivé que des proches, des professionnels de la santé s’inquiètent de votre consommation d’alcool? »
C= Cessation – « Avez-vous déjà essayé de réduire votre consommation d’alcool? »
E= Éveil – « Avez-vous déjà eu besoin de consommer de l’alcool le matin pour être en forme? »
T = 2 points s’il faut plus de 2 consommations, 1 point s’il en faut 1 ou 2.
A, C et E = 1 point si la réponse est oui
A risque à partir de 2 points (1 point pour certains auteurs)
Au dessus de 2 points risque élevé
Deux autres tests spécifiques, premièrement le Tweak puis le T-ARP :
Test TWEAK Test TARP
1°) Combien de verres devez-vous consommer pour ressentir les premiers effets de l’alcool? (T1)
2°) Combien de verres devez vous consommer pour vous endormir ou tomber ivre? Ou si vous ne buvez pas jusqu’à tomber ivre, quel est le nombre de verres le plus élevé que vous pouvez boire? (T2)
3°) Votre entourage vous a-t-il fait des remarques au sujet de votre consommation d’alcool dans l’année passée?
4°) Avez-vous déjà eu besoin d’alcool le matin pour vous sentir en forme?
5°) Vous est il déjà arrivé de boire et de ne plus vous souvenir ensuite de ce que vous avez pu dire ou faire?
6°) Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisées? 1. Combien devez-vous consommer de verres pour sentir l’effet de l’alcool ?
2. Les gens vous ont-ils déjà agacé en critiquant votre consommation ?
3. Avez-vous déjà eu l’impression que vous devriez réduire votre consommation d’alcool ?
4. Vous est il déjà arrivé de prendre un verre en vous levant pour calmer vos nerfs ou vous débarrasser d’une « gueule de bois » ?
Les questions 1 et 2 interrogent sur la tolérance.
Les questions 3, 4 et 6 sont tirées du DETA.
La question 5 interroge sur les épisodes d’amnésie du lendemain. (black out) Résultat positif à partir de deux OUI (risque de consommation d’alcool pendant la grossesse)
Source : RESAPSAD
´>http://www.resapsad.org/sites/resapsad.cpm.aquisante.priv/files/Tweak.pdf
´>http://www.resapsad.org/sites/resapsad.cpm.aquisante.priv/files/TARP.pdf
2) Dossier de presse INPES
L’INPES (Institut national pour la prévention et l’éducation de la santé) produit des dossiers destinés à l’éducation des français sur les méfaits de l’alcool lors de la grossesse.
Source : ´>http://www.inpes.sante.fr/70000/dp/06/dp060911.pdf
3) Les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS)
Ci-joint deux recommandations de la HAS où le problème de l’alcool est cité sans être développé. Le praticien quelques soit sa spécialité est confronté à des femmes enceintes, comme le montre ces documents, le praticien n’a pas de réponse claire devant la question des méfaits de l’alcool durant la grossesse.
HAS mai 2007: « Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction de situation à risque identifiées »
HAS Septembre 2009 : « Projet de grossesse : informations, messages de prévention, examen à proposer »
4) 4- Aider et se faire aider
Le site internet Alcool Infos Service est édité par l’INPES et est constitué comme une base d’informations sur l’alcool et ses effets sur le corps, il propose également des tests d’évaluation de sa consommation et des services d’aides.
Source : ´>http://alcoolinfoservice.fr/
E. LEXIQUE :
« Binge drinking » Terme anglais pour qualifier une consommation d’alcool importante en peu de temps soit 50g ou plus en moins de deux heures.
Consommation faible Consommation inférieure à dix verres par semaine sans jamais dépasser deux verres standards par jour.
Mortalité néonatale Enfants nés vivants décédés entre la naissance et le 28e jour de vie.
Mortalité infantile C’est un calcul en faisant le rapport entre le nombre d´enfants morts avant l´âge d’un an sur le nombre total d’enfants nés vivants. Elle est exprimé en pour mille.
F. BIBLIOGRAPHIE :
1- Ornoy A et Ergaz Z “Alcohol abuse in pregnant women : effects on the fetus and newborn, mode of action and maternal treatment” Int J Environ Res Public Health 2010 , 7 : 364-379.
2- Sampson PD et coll. “Incidence of fetal alcohol syndrome and prevalence of alcohol-related neurodevelopmental disorder” Teratology 1997 , 56 : 317-326.
3- Sun Y et coll. ”Binge drinking during pregnancy and risk of seizures in childhood : a study based on the Danish national birth cohort” Am J Epidemiol 2009 , 169 (3) : 313-322.
4- Henderson J et coll. “Systematic review of the fetal effects of prenatal binge-drinking” J Epidemiol Community Health 2007 , 61 : 1069-1073 + annexe sur le site jech.bmj.com : 9 pages.
5- Strandberg-Larsen K et coll. “Alcohol drinking pattern during pregnancy and risk of infant mortality” Epidemiology 2009 , 20 (6) : 884-891.
6- “Low dose alcohol exposure during pregnancy. Does it harm ? A systematic literature review” Swedish National Institute of Public Health, Östersund 2009 : 32 pages.
7- O’Leary CM et coll. “Evidence of a complex association between dose, pattern and timing of prenatal alcohol exposure and child behavior problems” Addiction 2009 , 105 : 74-86.
8- Henderson J et coll. “Systematic review of effects of low-moderate prenatal alcohol exposure on pregnancy outcome” BJOG 2007 , 114 : 243-252.
22- Davis PJM et coll. “Alcohol consumption in pregnancy. How much is safe ?” Arch Dis Child 1982 , 57 (12) : 940-943.
9- “Méthodes et difficultés du repérage du mésusage de l’alcool”, “Spécificité des problèmes d’alcool chez les femmes, les “jeunes”, les personnes âgées”. In : Huas D et Rueff B “Alcool et médecine générale” GMsanté, Neuilly-sur-Seine 2010 : 49-60, 107-119.
10- Toutain S “Ce que les femmes disent de l’abstinence d’alcool pendant la grossesse enFrance” BEH 2009 , (10-11) : 99-101. 2009 , issue 2 : 29 pages.
11- Manwell LB et coll. “Treatment of problem alcohol use in women of childbearing age : results of a brief intervention trial” Alcohol Clin Exp Res 2000 , 24 (19) : 1517-1524.
12- Floyd RL et coll. “Preventing-alcoholexposed pregnancies : a randomized controlled trial” Am J Prev Med 2007 , 32 (1) : 1-10.
13- Stade BC et coll. “Psychological and/or educational interventions for reducing alcohol consumption in pregnant women and women and women planning pregnancy” (Cochrane Review)(dernière révision 2009). In : “The Cochrane Library” John Wiley and Sons, Chichester pregnancies : a randomized controlled trial” Am J Prev Med 2007 , 32 (1) : 1-10.
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