DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Comment les MG français soignent-ils leurs migraines?

Ducros A, Romatet S, Saint-Marc T, et al, Use of Antimigraine Treatments by General Practioners, Headache 2011;51:1122-1131



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

La migraine est à ce jour, la maladie neurologique la plus fréquente, elle a un véritable impact individuel et sociétal. Elle apparaît, malgré la fréquence, largement sous-diagnostiquée et mal traitée (d’après des études récentes 50% des patients restent sans diagnostic fiable, malgré des critères diagnostiques disponibles précis et détaillés dans l’International Classification of Headache disorders ICHD-II). En conséquence apparaît naturellement chez ces patients mal pris en charge, un sentiment fataliste vis à vis de leur pathologie, expliquant une automédication croissante ainsi que des céphalées par abus médicamenteux devenues fréquentes.

Des recommandations françaises sont disponibles depuis 2004, devant être réactualisées prochainement (Géraud G et al. Clin Ther. 2004 ;26 :1305-1318), celles ci recommandent l’utilisation d’AINS et/ou de triptans en traitement des crises migraineuses (avec ou sans aura). A ce jour, ces patients sont majoritairement suivis en ville par les médecins généralistes (> 80%). Il paraît donc évident que mieux connaître les critères diagnostiques de migraine et ses traitements par les médecins permettra de mieux traiter les patient et donc d’améliorer leur qualité de vie. Ce travail centralisé par l’équipe de Lariboisière fait suite à une étude menée par Webber et al (Rev Neurol.2002 ; 158 :439-445), celle ci ne retenait aucune différence significative de prise en charge diagnostique et thérapeutique selon que leur médecin était ou non, lui-même sujet aux migraines. Mais ce travail fut publié avant la parution des recommandations de bonne pratique et également avant l’émergence des triptans dans le traitement de la crise migraineuse.

C’est pourquoi cette présente étude a pour but de comparer la prise en charge des patients migraineux, selon que leur médecin a lui-même une histoire céphalalgique ou non.

Méthodes :

Il s’agit d’une étude observationnelle, pharmaco–épidémiologique non interventionnelle qui fut conduite en France entre décembre 2008 et juin 2009. Une liste de 20000 médecins généralistes (MG issus des registres nationaux de l’ordre) fut tirée au sort, ceux-ci furent contactés par courrier et invités à participer à l’étude, les 1200 premières réponses furent alors recrutées. Deux groupes furent constitués : médecins généralistes (GP-M) eux même migraineux, et un groupe de médecins généralistes ayant un proche migraineux (GP-CFM). Deux types de questionnaires (un pour chaque groupe) furent utilisés de façon anonyme, les praticiens appartenant aux deux groupes remplissaient les deux questionnaires. La migraine est définie par les critères ICHD-II (avec ou sans aura), avec au minimum 3 crises lors des 3 derniers mois précédents l’étude.

Il fut calculé que 1094 (547 dans chaque groupe) médecins généralistes étaient nécessaires à la réalisation de cette étude, et en estimant à 10% le nombre de questionnaires non exploitables, un total de 1200 MG fut inclus. Sachant que la prévalence de la migraine en France est d’environ 12%, il fut estimé par extension que 20% de ces MG seraient migraineux ou auraient un proche migraineux et donc qu’afin d’obtenir une cohorte de 1200 MG, 20000 devaient être contactés.

Cette étude fut conduite selon les règles européennes d’éthique, chaque MG participant a reçu une compensation financière au vu de son investissement dans l’étude ; et considérant qu’il n’y avait aucune répercussion sur la prise en charge des patients (étude observationnelle), aucun comité d’éthique ne fut consulté. Par contre, le secret médical fut entièrement respecté (loi de 1978 relative à la saisie de données personnelles). Ce travail fut sponsorisé par Almirall SAS France, et un comité scientifique d’experts avait accès à toutes les données saisies.

Résultats :

1200 MG furent enrôlés et 869 ( 72.4%) renvoyèrent au minimun un questionnaire, 36 médecins furent exclus, majoritairement car leurs questionnaires etaient mal remplis. 10% ( n=85) des MG remplirent les deux questionnaires, appartenant donc aux deux groupes simultanément Les deux groupes furent créés comme prévu GP-M (n=277) et GP-CFM(n=641).

Sur l’échantillon total (869 MG), l’âge moyen des partcipants à l’étude était de 51.2 ans (+/- 7.3), à 85% constitué d’hommes, chiffre très proches du registre national regroupant l’ensemble des généralistes en exercice.

Les migraines rapportées sont majoritairement sans aura ou mixtes, qu’elles occasionnent entre 2.6 et 3.1 crises par mois en moyenne sur les deux groupes. Celles-ci étant diagnostiquées depuis plus de 15 ans en majorité.

Dans le groupe GP-CFM, il apparait que la personne proche sur qui le questionnaire a été rempli était l’épouse (47%), la concubine (27%) ou un enfant ( 16%), et très majoritairement il s’agissait d’un proche de sexe féminin (83%).

Concernant le traitement utilisé, il apparait très clairement et dans les deux groupes que les AINS et les triptans sont les médicaments de crise les plus utilisés et de loin. A noter que l’utilisation de paracétamol et de triptans est plus importante dans le groupe GP-CFM par rapport à l’autre groupe et ce de façon statistiquement significative. Il apparait également que le paracétamol est bien trop prescrit par rapport aux recommandations de bonne. Par ailleurs, cette étude rapporte 14 MG en abus médicamenteux dans de groupe GP-M (5%), mais près du double dans l’autre groupe. Ces abus concernent surtout la prise des dérivés de l’ergot de seigle qui n’ont plus leur place dans le traitement des crises migraineuses, mais ceci est également valable dans une moindre mesure pour les opioides. On rappelle que l’abus médicamenteux se définit par la prise plus de 15 jours/mois de paracétamol, aspirine ou AINS, temps abaissé à 10 jours/mois pour les autres drogues.

L’utilisation d’un traitement de fond est seulement de 6.9% dans le groupe GP-M et de 17.2% dans l’autre groupe, majoritairement il s’agit d’un beta bloquant ( Propanolol ou Metaprolol). Ce qui confirme sans surprise la pauvreté de la prise en charge thérapeutique sachant que les recommandations conseillent l’utilisation d’un traitement de fond à partir de 6 à 8 crises/mois. Et parallelement la réalisation d’un agenda des migraines également fortement recommandés n’est effectué que dans 2.5% des cas dans le groupe GP-M versus 10,3% dans l’autre groupe, chiffres très en deça de la bonne pratique.

Un autre paramètre fut étudié dans cette étude à savoir la satisfaction comparée dans les deux groupes concernant le traitement de crise et le traitement de fond. Il ressort que la majorité des patients des deux groupes sont plutôt satisfaits de la prise en charge de l’épisode aigu (62.1% versus 69.9%), même s’il subsitste dans les deux groupes entre 10 et 15% de patients peu ou pas du tout satisfaits der leur traitement de crise. Au vu des recommandations HAS/SFEMC il apparait que le critère principal d’efficacité d’un traitement de crise était la disparition de la céphalée à deux heures de la prise médicamenteuse mais également la prise unique d’un traitement de crise (et non la répétition des prises), ainsi que la bonne tolérence de la molécule.

Inversement pour le traitement de fond il apparait que près de 50% des patients ne sont plutôt pas satisfait de l’approche thérapeutique au long cours de leur migraines.

Dans le premier groupe GP-M, 23,6% des MG avouent subir les conséquences de leur pathologie dans leur vie quotidienne, avec notamment un retentissement important nécessitant l’arret de leur activité professionnelle de 2.2 +/- 1.6 jours dans les trois derniers mois. Au total 220 MG (79,4%) déclarent que leurs migraines ont un impact plus ou mois important sur leur vie quotidienne. Dans l’autre groupe concernant la famille proche, 32.6% des patients avaient du réduire leur activités professionnelles à cause de leur maladie migraineuse.

Les MG inclus dans cette étude se déclarent plutôt interessés par la maladie migraineuse (>80%), la majorité d’entre eux pensent que leur propre expérience céphalalgique (concernant eux-mêmes ou leurs proches) les aide à mieux prendre en charge leurs patients. Un quart discute même en consultation de leur propre expérience avec leurs malades. Ils déclarent néanmoins (55% des MG) que traiter un membre de leur famille est plus difficile que pour un patient lambda. Apparait également une certaine empathie et un meilleur recul sur cette pathologie à forte composante psychopathologique si le medecin est lui-même migraineux ou en contact avec cette maladie chez un proche.


Commentaire

Cette étude observationelle menée auprès des MG, en première ligne pour appréhender et gérer la maladie migraineuse, nous apprend que ces MG suivent leur propre migraine quasiment de la même façon que celle de leurs proches. ( à la différence de l’étude de Webber et al de 2002). Les AINS et les triptans sont les traitements de crise les plus utilisés, conformement aux recommandations, la plupart des MG (>80%) sont d’ailleurs satisfaits du traitement prescrit. Une étude conduite récemment (Donnet.A et al Migraine of specislists : perception and management. Headache. 2010 ;50 :1115-1125) auprès de neurologues montre également l’absence de différence dans le management de leur propre migraine ou de celle de leur patients, le tout conforme aux guidelines françaises ; à noter d’ailleurs que l’utilisation d’AINS et de triptans dans le traitement de crise est plus importante dans cette cohorte de MG par rapport aux neurologues, pour ces deux études à méthodologie très comparable. Une autres étude menée auprès de pharmaciens (Donnet.A et al, Use and overuseof antimigraine drugs by pharmacy personnel in France : COTA survey. Headache. 2009 ;49 :1014-1021) révèle quand à elle une auto-médication dangereuse, sans avis médical, avec notamment l’utilisation de drogues non recommandées dans 62.4% des cas mais également une insatisfaction importante dans la prise en charge (68.3%). Les abus médicamenteux sont bien moindre dans cette étude ( autour de 10%) en comparaison à l’étude effectuée auprès des pharmaciens (>20%).

Les recommandations françaises de prise en charge thérapeutique de la migraine recommandent l’utilisation d’un traitement prophylactique dès lors qu’un traitement de crise est utilisé plus de 6 à 8 fois par mois, ce qui au vu de cette étude apparait largement insuffisant actuellement. Ainsi, il serait probablement profitable à la population migraineuse qu’un traitement de fond soit plus souvent débuté. Les MG ayant une histoire cephalalgique personelle se sentent beaucoup plus concernés dans la prise en charge de leur patients mirgaineux.

Enfin il apparait après ce travail, la relative bonne prescription des MG dans cette maladie migraineuse, exception faite des traitements de fond largement sous utilisés. Des efforts de formation et d’éducation des prescripteurs semblent encore nécessaires afin de rendre optimal le suivi de cette population migraineuse, globalement plutôt insatisfaite de leur prise en charge.

Après rédaction de recommandations claires, les critères diagnostiques sont maintenant bien définis, la conduite à tenir thérapeutique bien codifiée, il parait important que les médecins généralistes en première ligne dans cette pathologie très fréquente reprennent la main afin d’éviter les dérives de l’abus médicamenteux augmentant en flèche ces dernières années.

Après diagnostic, un traitement bien conduit dans la prise en charge de cette maladie est primordial, permettant la restauration d’une bonne qualité de vie, en évitant les facteurs déclenchants, à la fois basé sur un traitement de crise et de fond si nécessaire.

Les AINS et les triptans sont rois dans le traitement de crise, alors que les traitement de fond utiles dans la maladie migraineuses viennent d’horizons différents de la neurologie ( beta-bloquants, antidepresseurs tricycliques, anticonvulsivants, inhibiteurs calciques…). Il parait nécessaire de débuter un traitement prophylactique quel que soit le handicap social ou professionnel dès que le seuil des 8 jours/ mois d’utilisation d’un traitement de crise est franchi. Il est nécessaire d’établir un contrat thérapeutique avec le patient , la tenue d’un agenda des céphalées est fortement conseillée (aucun traitement de fond n’a démontré actuellement de superiorité), il faudra donc en débuter une rapidement, à dose progressivement croissante en monothérapie, en respectant les effets indésirables et les contre-indications potentielles, et réevaluer à 3 mois l’efficacité thérapeutique et ainsi pouvoir changer de molécule ou éventuellement en introduire une nouvelle si besoin.

En attendant l’émergence de nouvelle drogues (système glutaminergique…), la prise en charge optimale conforme aux recommandations de cette maladie chronique, fréquente, ayant un véritable impact de santé publique, peut encore être franchement améliorée.


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