DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Des arguments solides pour conseiller votre patient entre surveillance et traitement radical du cancer de la prostate

Radical Prostatectomy or watchful waiting in early prostate cancer Bill-Axelson A, Holmberg L, Ruutu M, et al. Radical prostatectomy or watchful waiting in early prostate cancer. N Engl J Med; 370:932-942March 6, 2014



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

Prostatectomie radicale ou surveillance simple dans le cancer de la prostate

Bill-Axelson A, Holmberg L, Ruutu M, et al. Radical prostatectomy or watchful waiting in early prostate cancer. N Engl J Med, 370:932-942March 6, 2014

INTRODUCTION

Le traitement du cancer de la prostate localisé, à un stade précoce, par prostatectomie radicale, a montré dans l’étude SPCG-4 (The Scandinavian Prostate Cancer Group Study number 4) un bénéfice sur la survie comparé à la surveillance simple, sur un suivi de 15 ans. Depuis l’arrivée du PSA, et donc le diagnostic encore plus précoce des cancers localisés de la prostate, l’étude PIVOT (Prostate cancer Intervention Versus Observation Trial) a obtenu des résultats contradictoires, ne montrant pas de bénéfice significatif sur la survie, sur un suivi de 12 ans.

L’objectif de cette étude est d’utiliser les données prospectives accumulées sur 18 ans par l’étude SPCG-4 afin d’analyser le risque de décès toute cause confondue ou par cancer de la prostate selon l’âge du patient et le risque de la tumeur (risque faible, intermédiaire, fort).

MATÉRIEL ET METHODE

Il s’agit d’un essai randomisé, prospectif (inclusions de 1989 à 1999, suivi jusqu’en 2012), multicentrique (Scandinavie, 14 centres), en intention de traiter.

Critères d’inclusion : homme < 75 ans, espérance de vie > 10 ans, cancer localisé stade T1 ou T2 (biopsie avec calcul du score de Gleason), PSA < 50 ng/ml et scanner osseux ne trouvant pas de métastase, pas d’autre cancer connu.

Groupe prostatectomie radicale : chirurgie initiale par prostatectomie radicale, après lymphadenectomie et examen d´anatomopathologie extemporané confirmant l’absence de métastase. L’excision radicale de la tumeur était prioritaire sur la conservation nerveuse pelvienne.

Groupe surveillance simple : aucun traitement initial, curatif ou symptomatique. Lors du suivi, en cas d’apparition de signes fonctionnels obstructifs, une résection trans-urétrale de prostate était proposée.

Surveillance clinique : la surveillance clinique était semestrielle pendant 2 ans, puis annuelle jusqu’à la fin de l’étude. Les patients étaient également suivi par dosage des PSA, et examens radiologiques réguliers à la recherche de métastases.

Il était possible de débuter un traitement palliatif par blocage androgénique si au cours du suivi :

- apparition d’une récidive locale (au toucher rectal)

- apparition de métastase prouvée

- progression tumorale (détecté lors du suivi clinique, par dosage du PSA, ou avec un bénéfice espéré par le praticien pour le patient)

Détermination de la cause du décès en aveugle : Un comité indépendant était chargé de déterminer la cause du décès, en aveugle du groupe d’étude, à l’aide d’un protocole, se basant entre autre sur les PSA, la récidive locale, la présence de métastases, la nécessité d’un blocage androgénique ou d’un traitement palliatif autre.

RESULTATS

Un total de 695 patients ont été inclus, 347 dans le groupe prostatectomie radicale (294 prostatectomies radicales effectuées) et 348 dans le groupe surveillance simple (294 n’ont pas reçu de traitement curatif). Les groupes étaient comparables (âge moyen de 65 ans, PSA moyen 13 ng/ml), pour un suivi moyen de 23.2 ans (jusqu’au 31/12/2012).

Décès toutes causes confondues : 200 hommes sont décédés dans le groupe prostatectomie radicale (incidence cumulée sur 18 ans de 56.1%), et 247 dans le groupe surveillance simple (68.9%), soit une diminution absolue du risque de 12.7% (IC95%[5.1 , 20.3]) et un risque relatif de décès de 0.71 (IC95%[0.59 , 0.86], p < 0.001) dans le groupe prostatectomie. Il faut donc traiter 8 patients pour éviter 1 décès.

Décès par cancer de la prostate : 63 hommes sont décédés par cancer de la prostate dans le groupe prostatectomie radicale (incidence cumulée sur 18 ans de 17.7%), et 99 dans le groupe surveillance simple (28.7%), soit une diminution absolue du risque de 11% (IC95%[4.5 , 17.5]) et un risque relatif de décès de 0.56 (IC95%[0.41 , 0.77], p < 0.001) dans le groupe prostatectomie.

Apparition de métastases osseuse : diminution absolue du risque de 12.2% (IC95%[5.1 , 19.3] et un risque relatif d’apparition de métastases de 0.57 (IC95%[0.44 , 0.75], p < 0.001) dans le groupe prostatectomie totale.

Utilisation d’un traitement palliatif (blocage androgénique) : diminution absolue du risque de 25% (IC95%[17.7 , 32.2] et un risque relatif d’utilisation d’un traitement palliatif par blocage androgénique de 0.49 (IC95%[0.39 , 0.60], p < 0.001) dans le groupe prostatectomie totale.

Critères de jugement en fonction de l’âge et le risque de la tumeur

- âge < 65 ans : diminution absolue significative de la mortalité toute cause (25.5%), de la mortalité par cancer de la prostate (15.8%), de l’apparition de métastases (15.8%). Dans ce groupe, il faut traiter 4 patients pour éviter 1 décès.

- âge > 65 ans : diminution absolue significative de l’apparition de métastases (8.9%)

- tumeur à risque faible : diminution absolue significative de la mortalité toute cause (15.6%), et de l’apparition de métastases (10.6%)

- tumeur à risque intermédiaire : diminution absolue significative de la mortalité toute cause (15.5%), de la mortalité par cancer de la prostate (24.2%), et de l’apparition de métastases (19.9%).

- tumeur à haut risque : aucune différence significative.

DISCUSSION

On observe donc chez les patients traités par prostatectomie radicale une diminution significative de la mortalité toutes causes confondues, de la mortalité par cancer de la prostate, et du risque de métastase, avec un effet plus prononcé sur la mortalité chez les hommes < 65 ans et pour les cancers à risque intermédiaire.

Il existe également un effet sur le risque de métastases et de traitement palliatif chez les > 65 ans, qui reflète le fardeau du traitement au long cours. Cependant, c’est à mettre en balance avec les effets secondaires de la chirurgie, en particulier l’incontinence urinaire et les dysfonctions érectiles.

La surveillance simple permet chez les survivants d’éviter les traitements lourds ainsi que les traitements palliatifs, ce qui est un argument fort en faveur de la surveillance active.

Points forts : randomisation, suivi complet, évaluation du critère de jugement en aveugle.

Points faibles : faible puissance des sous-groupes et multiplication des analyses, laissant entrevoir des hypothèses de recherche future, mais ne permettant pas de tirer des conclusions définitives.

CONCLUSION

La prostatectomie radicale chez les patients de moins de 65 ans avec un cancer de la prostate localisé à risque intermédiaire permet une diminution significative de la mortalité, tandis que la surveillance simple permet une amélioration de la qualité de vie chez les patients dont le cancer n´évolue pas rapidement.

Cela confirme donc l´importance de la surveillance active chez les patients jeunes avec un cancer à risque faible, afin de les traiter radicalement rapidement en cas d´évolution péjorative.


Commentaire

Cet article est très intéressant car la méthodologie est bonne, avec des résultats en terme de survie très positifs, et il permet de confirmer la prise en charge actuelle recommandée par les associations d´urologie : surveillance active (PSA et echographies rapprochées) chez les patients avec cancer à faible risque, traitement radical (prostatectomie, mais également radiothérapie) chez les patients avec cancer à risque intermédiaire avec espérance de vie > 10 ans, traitement palliatif pour les cancers à haut risque, et surveillance simple si espérance de vie < 10 ans.

Quelques limites cependant :

- comparaison surveillance simple vs traitement radical à l´heure des PSA et de la surveillance active

- association traitement palliatif et métastases à la qualité de vie, ce qui semble plutôt réducteur

- minimisation des effets secondaires de la chirurgie sur la qualité de vie (dysfonctions érectiles et incontinence urinaire)


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